• Preparer un marathon sans courir

    Préparer son marathon sans courir, nouvelle mode qui fait polémique
    Renée Greusard | Journaliste 
     
    Le marathon. Le cauchemar de ceux pour qui courir un simple jogging est déjà une aberration. Quarante-deux kilomètres à manger.
     
    Quand un coureur amateur en vient à bout, après trois ou même quatre heures de foulées, il peut être satisfait – le record du monde est détenu par un Kényan, Patrick Makau. Il l’a couru en deux heures et trois minutes.
    Vu l’effort à accomplir, on se dit que pour s’y préparer, il vaut mieux courir fréquemment avant le jour J. Michel Delore, journaliste, coureur et auteur de « Courir le marathon », le confirme :
    « Il faut s’aménager trois séances de course par semaine, d’une durée comprise entre une heure trente et deux heures.
    Et de temps en temps, toutes les trois semaines, courir trois heures en alternant marche et course, ce qu’on appelle de la “rando-course”.
     
    Ce n’est pas l’avis de Brian MacKenzie. Ce triathlète et coach américain fait parler de lui aux Etats-Unis avec sa méthode, le “CrossFit Endurance” (CFE) ou l’endurance par le CrossFit, dont Rue89 vous parlait déjà il y a un an.
     
    Avec cette méthode, le futur marathonien ne court jamais de longues distances pour préparer ses 42 kilomètres. Et Brian MacKenzie promet des performances améliorées en vitesse et en endurance.
    Dans le milieu des coureurs, certains accusent l’homme d’être un clown. Sur LetsRun.com, un forum de runners, les internautes se moquent de lui et trouvent ses idées “hilarantes”.
    “WOW. Ce mec est payé pour entraîner des gens ? Oh mon dieu !”
     
    L’intéressé dit sa méthode révolutionnaire. En quoi consiste-t-elle donc ? A s’entraîner moins longtemps mais plus durement.
    En janvier, dans un article rédigé à la première personne, le journaliste américain Christopher Solomon a raconté dans le magazine Outside son test de la méthode.
     
    Il a fait des “windsprints”, c’est-à-dire qu’il a couru très très vite sur de petites distances.
    il a fait des pompes ;
    il a soulevé des haltères ;
    il a balancé un poids dans tous les sens et au-dessus de sa tête
    Il a fait des abdos ;
    et puis, il a fait des enchaînements de mouvements étranges dit aussi “burpees” en anglais.
     
    Moins de temps à s’entraîner mais des séances plus intensives donc, c’est le leitmotiv de Brian MacKenzie.
    Solomon raconte un séminaire avec le coach :
    “Il commence par dire : ‘Avant, j’étais un junkie des longues distances.’ Il se tient devant nous comme s’il était à une réunion d’alcooliques anonymes et qu’il se confessait.”
    Pour défendre sa méthode, MacKenzie a des arguments forts et simples. Courir régulièrement sur de longues distances entraîne selon lui blessures, ennui et perte de temps.
    De fait, à la fin de son entraînement et de son marathon, le journaliste Solomon écrit qu’il a franchi la ligne d’arrivée sans une seule blessure, alors même qu’il ne courait plus de marathons justement parce qu’il se blessait trop.
    Nouvelle preuve de succès : pendant ce marathon, Solomon n’a même pas connu ce que les coureurs appellent “le mur” – au milieu de la course généralement, le corps ne veut plus courir. Impossible de continuer.
    Enfin, le journaliste a fini son marathon en 3h39, ce qui était son record personnel.
    Brian MacKenzie a lui aussi des faits à exposer pour défendre sa méthode. En 2007, il a couru un ultra-marathon très effrayant. Le Angeles Crest 100 est un trail de 161 kilomètres. Pour se préparer à cette folie, Brian MacKenzie n’a couru “que” 20 km par semaine, plus ou moins. Il a surtout passé six heures par semaine à faire des exercices. Le jour J, il était 34e sur 89 coureurs, et il se sentait très bien.
     
    Etudes sur le sujet
     
    Des études vont dans le sens de sa méthode. En 2006, des chercheurs de l’université de McMaster à Ontario ont fait une expérience. Ils ont divisé un groupe de 16 hommes en deux.
    Le premier groupe devait faire du vélo d’appartement a une vitesse modérée, pendant deux heures, six fois en deux semaines ;
    Le second groupe devait faire des sprints de trente secondes dans des séances qui duraient quinze minutes.
    Au final, les chercheurs ont été surpris de constater que les progrès en terme d’endurance, effectués par chacun des deux groupes, étaient très proches. Ce qui amène l’un des chercheurs à déclarer aujourd’hui :
    “Ce qui était fou dans cette étude, c’est qu’elle montrait que pour améliorer vos performances d’endurance, vous n’aviez qu’à faire des sprints.”
     
    “Panne d’essence” : le corps ne veut plus
     
    Il n’y a pas de conte de fées : la méthode ne fonctionne pas pour tout le monde. Robin Clevenger, une coureuse confirmée, raconte l’une de ses pires performances au journaliste Christopher Solomon. En 2009, elle suivait la méthode CFE et elle a eu comme une panne d’essence pendant une course :
    “Après une heure et demie – ce qui était la durée maximum de mes courses d’entraînement – mon corps m’a dit : ‘Tu sais, c’est terminé, là’.”
    La méthode révolutionnaire n’a pas fonctionné pour elle. Au téléphone, Michel Delore s’exclame :
    “Brian MacKenzie, il est bien gentil, mais il n’a rien inventé non plus. Les gens qui se préparent au marathon passent déjà du temps en salle, à faire du gainage notamment. On appelle d’ailleurs ça la préparation physique général (PPG).”
    Le journaliste spécialiste du marathon juge qu’une répartition différente du temps d’entraînement est plus judicieuse.
    “Pour s’entraîner à un marathon, il faut passer trois quarts du temps de son entraînement à courir, et le reste peut, en complément, être du renforcement musculaire, du gainage, etc.”
     
     
    Enfin, il y a tout de même un gros inconvénient à la méthode MacKenzie : que fait-il du plaisir ? Quand on court, on se promène, on écoute de la musique parfois, on réfléchit, on s’absente. Ressent-on ces mêmes sensations d’évasion en salle de gym ? J’en doute. D’ailleurs Solomon raconte comment il a terminé son test :
     
    “En s’octroyant une longue, lente et délicieuse excursion.”

    Source : rue89


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